AH CES FEMMES

La femme, maître du monde!

Dans le monde des vers marins existe un bien curieux animal visible en corse : la bonellie (Bonellia viridis).

Cet animal qui est une espèce de vers à 2 trompes, se rencontre dans les récifs du littoral méditerranéen . Il est de la taille d’une prune, vivant caché dans une fente de rocher et laissant traîner sa trompe fourchue ( forme d’algues noires très fines à 2 extrémités qui se rétractent instantanément dés qu’on les touche ! spectaculaire) sur une longueur pouvant dépasser 1,5 mètres . C’est en fait une femelle. Mais où son mari est-il caché? Le plongeur peut chercher longtemps sans jamais ne trouver la réponse. Le mâle est un animal minuscule (un ou deux millimètres de long) qui vit totalement aux dépends de sa compagne. Son tube digestif a régressé, sa bouche a disparu, remplacée par un orifice génital et ses moyens de locomotion se sont atrophiés. Rien qu’un organe sexuel, finalement. Alors, quelle place la femelle trouve-t-elle pour loger ses partenaires sexuels ? (plusieurs dizaines de mâles par femelle)  La meilleure : son utérus ! Inutile de laisser traîner les mâles n’importe où (des fois qu’ils leur prennent l’envie de finir au bistrot) et de les laisser s’occuper de n’importe quoi. Puisque les hommes sont tant portés sur le sexe, alors, autant qu’ils ne se consacrent qu’à cela.
Toute puissante, la femelle bonellie l’est certainement. Contrairement à d’autres espèces animales, les bonellies ne naissent ni mâle ni femelle. Ses larves sont sexuellement indéterminées. Elles nageront en pleine eau quelques temps avant de retomber sur le fond. Celles qui atterriront en un lieu  » inoccupé  » finiront par se trouver une anfractuosité de roche et évolueront pour devenir femelles. La larve qui viendra à se poser à proximité d’une femelle vivra un tout autre destin. Généralement ingérée par la femelle, elle subira une overdose hormonale qui guidera son évolution afin de devenir un mâle mûr en l’espace de quelques jours. Le reste de sa vie se bornera aux méditations existentielles d’un testicule au service de sa maîtresse.
Pour ceux et celles qui croient encore que du genre d’un individu découle une place sociale, la bonellie nous montre le contraire : c’est à partir de la place (à proximité ou non d’une femelle) que le genre se détermine. Par contre, ce ver met en avant de façon extrême qu’une fois le sexe déterminé, le rôle social qui en découle est strictement encadré et qu’il n’est aucun moyen d’émancipation. Le mâle ayant perdu tout moyen biologique de survivre sans la femelle, ce dernier ne peut espérer une autre condition que celle d’organe reproducteur. Mais souhaite-t-il qu’il en soit autrement, finalement ?
Concevoir un individu réduit au rôle d’organe sexuel pour le compte d’un autre individu ? La nature verse encore dans l’économique. Elle propose la version minimale de la sexualité où la femelle devient un androgyne artificiel par le biais d’une relation plus que fusionelle (symbiotique ?) avec le mâle. Quant à ce dernier, il tire profit de l’organisme de la femelle qui lui assure sa subsistance, en échange de quoi il se réduit à un simple organe lui offrant un service qu’aucun organe propre ne pourrait accomplir : se reproduire, en assurant une innovation génétique.
D’autres espèces marines montrent des processus similaires. La crépidule (mollusque gastéropode) naît indéterminée. Les larves nagent en pleine eau avant, soit de rejoindre une femelle qui, par la sécrétion d’une phéromone, va soit  les attirer à elle, soit de tomber sur le fond et tenter de se fixer pour devenir une femelle. Les larves attirées par une femelle vont se fixer sur elle, devenir des mâles et former un empilement d’individus en fonction de leurs périodes d’arrivée. A la différence de la bonellie, les mâles vont grandir pour finir par devenir des femelles. La base de la pile sera toujours constituée de femelles (une ou plusieurs), au milieu se trouveront des individus intersexués en phase de transformation et, en haut, les mâles ! aie !
Certaines espèces de poissons des grands fonds comme le ceratide abyssal (Ceratias holboelli) pratiquent aussi la  » masculinité minimale « . Le mâle est enchâssé dans l’épiderme de la femelle par le biais d’un  » bec d’accrochage  » qui l’alimente directement. Cette caractéristique assez répandue des poissons abyssaux s’explique simplement par la faible densité de population qui règne dans les profondeurs. Si chaque individu devait attendre une rare rencontre avec un de ses congénères du sexe opposé pour espérer se reproduire, déjà peu peuplé, le royaume abyssal serait un vrai désert. La famille des Ceratiidès est sans doute la seule famille animale pouvant être qualifiée d’hermaphrodite  » secondaire « . En fait, chaque individu peut être vu comme un superorganisme résultant de la fusion d’un ou plusieurs mâles et d’une femelle. Il s’agirait là d’un androgyne, c’est-à-dire d’un individu formé par la réunion de deux individus distincts de sexe différent.
Il existe néanmoins des espèces d’animaux hermaphrodites dès leur naissance (c’est le cas de la plupart des transsexuels) mais conservant cette bissexualité active durant leur vie. Ceux qui vivent en Bourgogne et que l’on mange cuits au four avec une persillade après les avoir fait dégorger sont les plus connus. Mais l’hermaphrodisme synchrone ne se restreint pas à l’univers des escargots. Reste enfin  le mérou et la girelle qui naissent  femelle et meurent mâle ( mais pas tous seront  élus .. )  …ce qu’on appelle l’hermaphrodisme protogyne …

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